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Blessures aux ischios-jambiers partie 1 :

Épidémiologie et anatomie fonctionnelle

Si toi aussi tu te demandes pourquoi chacune de tes saisons est entrecoupée par de longues périodes de pause à cause d’une blessure derrière la cuisse, cet article est fait pour toi.

Épidémiologie

Les blessures affectant les muscles localisés à l’arrière de la cuisse plus connus sous le nom d’ischios-jambiers (IJ) sont les plus répandues dans la plupart des sports populaires requérant des sprints. Une étude ayant suivi durant 12 saisons près de 89 équipes de football européennes de niveau élite a démontré qu’un peu plus d’un tiers des blessures musculaires étaient localisées au niveau des IJ et nécessitaient en moyenne 2 semaines d’absences (1). Une autre étude a également indiqué que sur une saison, une équipe de football d’élite typique de 25 joueurs comptabilisera en moyenne 55 absences aux entraînements ainsi que 14 absences aux matchs causées par des blessures aux IJ (2). En termes de pertes financières, le coût d’une blessure aux IJ pour une équipe de football élite européenne a été estimée à environ 250’000 € (3). Sur une saison complète et en se basant sur un nombre observé de 4-6 blessures aux IJ par saison (2), le coût total se situerait entre 1 et 1,5 millions d’euros. Un des plus gros problèmes de ces blessures est qu’elles possèdent un des taux de récidive les plus élevés liés aux blessures musculaires des membres inférieurs. Les chances de se blesser à nouveau sont aussi significativement augmentées durant une période de 3 à 4 mois après la blessure initiale (4). Il est donc important de ne pas prendre ce type de traumatisme à la légère en effectuant une bonne préparation avec des exercices fonctionnels permettant de réduire considérablement les risques de blessures (5). En cas de blessure aux IJ, il est aussi recommandé d’éviter un retour prématuré à la compétition et de suivre une réathlétisation spécifique. Pour plus d’informations liées à la réathlétisation, consultez l’article suivant. Un outil permettant d’assister la prise de décision quant au retour à la compétition d’un sportif blessé aux IJ serait de comparer ses performances obtenues lors d’un test physique spécifique standardisé à celles datant d’avant la blessure. Pour plus d’infos concernant les tests de football rendez-vous sur cet article.

Anatomie fonctionnelle

Figure 1 : Anatomie du groupe musculaire des ischios-jambiers.

Afin de mieux traiter et prévenir ce type de blessure, il est tout d’abord nécessaire de comprendre le fonctionnement des IJ ainsi que le mécanisme lésionnel survenant durant la course ou le sprint. Ce groupe musculaire est composé de trois muscles principaux : le biceps fémoral, le semi-tendineux et le semi-membraneux. Les IJ sont bi-articulaires et ont donc deux fonctions motrices qui sont principalement la flexion du genou et l’assistance des muscles fessiers à l’extension de la hanche. Pour finir, les IJ ont une fonction stabilisatrice du genou en assistant le ligament croisé antérieur en limitant le tiroir antérieur et les rotations du tibia par rapport au fémur. Le point le plus important réside dans le fait que les IJ travaillent principalement de manière antagoniste avec le groupe musculaire des quadriceps qui possède les fonctions motrices opposées. Le déséquilibre de force entre ces deux groupes musculaires est donc un élément augmentant le risque de blessure des IJ (6) et du ligament croisé antérieur. En effet, des quadriceps trop développés, auront tendance à surcharger des IJ trop faibles. Pour illustrer la chose, prenons l’exemple hypothétique d’une Ferrari dotée d’un moteur performant (quadriceps) sur laquelle sont montés des freins de deux chevaux (IJ). En mettant de côté le fait que le premier virage de ce bolide risquerait bien d’être le dernier, l’état des freins seulement même après le premier freinage serait catastrophique.

Figure 2 : Graphiques représentant le fonctionnement du biceps fémoral lors de la seconde partie de la foulée durant la course. Depuis le haut : 1) Activation neuromusculaire, 2) changement de longueur musculaire relative par rapport à la position debout, 3) Puissance, 4) Représentation imagée du déroulement de la foulée. Source : (Heiderscheit BC. 2010).

Durant la course lors de la seconde partie de la foulée, le biceps fémoral est activé au maximum lors de la phase d’oscillation durant laquelle la jambe est ramenée vers l’avant. Durant la fin de cette phase, le muscle doit freiner le balancement de la jambe dans une position étirée et subit des contraintes mécaniques importantes. Plus la vitesse de course est élevée, plus les contraintes mécaniques et la force requise par les IJ sont importantes (7). Le graphique illustrant ce mécanisme montre bien que les moments ou le muscle subit un étirement important (Time of peak stretch) et absorbe le maximum d’énergie (flèche noire) sont très proches. C’est généralement à ce moment-là que la blessure survient, lorsque l’action décélératrice des IJ agit contre l’action accélératrice des quadriceps. Ce n’est pas pour rien que parmi les IJ, le muscle le plus sujet aux blessures lors de sports requérant des sprints se révèle être le biceps fémoral (8). Pour en revenir à notre Ferrari, il s’agit du moment de freinage maximal avant d’arriver au virage. Comme expliqué précédemment un déséquilibre de force en faveur des quadriceps, comme c’est généralement le cas, va provoquer une surcharge mécanique des IJ et la blessure. En d’autres termes, les freins vont surchauffer.

Bon, tout ça c’est bien joli me diriez vous. Mais en quoi cela va-t-il m’aider à passer le cap de la saison sans pépins ?

La seconde partie de cet article se focalisera sur comment intégrer ces informations à la réalisation d’exercices spécifiques dans le but de prévenir les blessures aux IJ.

Killian Salzmann

Références :

1. Hallén A, Ekstrand J. Return to play following muscle injuries in professional footballers. J Sports Sci. 9 août 2014;32(13):1229‑36.

2. Ekstrand J, Hägglund M, Waldén M. Epidemiology of Muscle Injuries in Professional Football (Soccer). Am J Sports Med. 1 juin 2011;39(6):1226‑32.

3. Hickey J, Shield AJ, Williams MD, Opar DA. The financial cost of hamstring strain injuries in the Australian Football League. Br J Sports Med. avr 2014;48(8):729‑30.

4. Orchard J, Best TM. The Management of Muscle Strain Injuries: An Early Return Versus the Risk of Recurrence. Clin J Sport Med. janv 2002;12(1):3–5.

5. van der Horst N, Wouter Smits D, Petersen J, Goedhart E, Backx F. THE PREVENTIVE EFFECT OF THE NORDIC HAMSTRING EXERCISE ON HAMSTRING INJURIES IN AMATEUR SOCCER PLAYERS: A RANDOMIZED CONTROLLED TRIAL. Br J Sports Med. avr 2014;48(7):609.3-610.

6. Croisier J-L, Ganteaume S, Binet J, Genty M, Ferret J-M. Strength Imbalances and Prevention of Hamstring Injury in Professional Soccer Players: A Prospective Study. Am J Sports Med. 1 août 2008;36(8):1469‑75.

7. Maniar N, Schache A, Heiderscheit B, Opar D. Hamstrings Biomechanics Related to Running. Prev Rehabil Hamstring Inj. 2020;65‑81.

8. Heiderscheit BC, Sherry MA, Silder A, Chumanov ES, Thelen DG. Hamstring Strain Injuries: Recommendations for Diagnosis, Rehabilitation, and Injury Prevention. J Orthop Sports Phys Ther. 1 févr 2010;40(2):67‑81.

9. Brukner P, Khan K. Posterior thigh pain. In: Clinical sports medicine : Injuries. 5e éd. Pty Ltd, Level 33, 680 George Street, Sydney 2000, Australia: McGraw-Hill Education; 2017. p. 679‑712.

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